Management, communication et émotions : l’ère de l’intelligence émotionnelle
Récemment lors d’une formation sur le management et les émotions, un manager expérimenté me posait la question suivante : « Pourquoi aujourd’hui faut-il manager avec les émotions ? Hier au moins c’était simple : on disait un truc à ses équipes et elles obéissaient. On s’écoutait pas… On savait que le boulot, c’est le boulot… On avait pas Monsieur Michu qui risque de péter un plomb dès qu’un truc va de travers, Mademoiselle Duchemin qui est au bord des larmes du matin au soir, Monsieur Julot qui est sous stress dès qu’on lui parle un peu fort. Ah ! Hier on savait faire face ! » Après cette déclaration, un jeune manager a alors posé la question aux 4 ou 5 managers expérimentés présents dans la salle : « Et alors avant on ne s’écoutait pas, ok ça on a compris ! Mais ça veut dire qu’on ne souffrait pas ? ». Et c’est après un long silence que les langues se sont déliées. Chacun de ces managers de la « vieille école » a raconté ses frustrations et ses blessures de jeunes collaborateurs. Alors autrefois aussi on avait des émotions…
En effet nous sommes entrés dans l’ère des émotions. Et cela ne date pas d’hier. Ce basculement on le perçoit déjà dans le discours des dirigeants politiques. Il y a un abîme entre la caricature du patron interprété par Bernard Blier, dans le film Un idiot à Paris (1967) :
Bernard Blier dans le film « Un idiot à Paris » (1967)
Et le retournement opéré par Valéry Giscard d’Estaing en 1974 dans le débat qui l’oppose à François Mitterrand ; débat resté célèbre en raison de l’expression « monopole du cœur » employée par le futur Président de la République :
Valéry Giscard d’Estaing « Vous n’avez pas le monopole du coeur ».
En voyant ces images on comprend tout l’enjeu qu’il y a dans une société de communication à gagner les cœurs, ou tout le moins à ne pas se faire exclure du champ de l’émotion. Les émotions règnent sur les équipes comme elles règnent dans le débat public. Dès lors chez certains managers apparaît le rêve suivant : dominer la sphère émotionnelle de l’autre, et ne rien laisser transparaître de ses propres émotions. Ils se mettent ainsi à l’école de Jean-Paul Belmondo dans l’Itinéraire d’un enfant gâté :
Itinéraire d’un enfant gâté: « le test ».
Est-ce cela l’intelligence émotionnelle dont on parle tant ? Mieux contrôler pour mieux utiliser, mieux diriger l’autre ? La question se veut provocatrice, mais il y a sans doute un peu de vrai cependant. L’empathie est cette distance – distance émotionnelle – qui ne permet pas tant d’utiliser les ressources de l’autre à son profit, que d’aider l’autre dans une authentique relation d’adulte à adulte, avec la distance qui permet de penser avec l’autre pour sortir du piège des émotions. Les jeunes générations – qu’on croie ou pas à la génération Y – sont sans doute celles qui attendent le plus de nous pour leur développement professionnel et personnel et, chez elles, les émotions sont une porte d’entrée privilégiée de cet apprentissage.
Ainsi si l’on renvoie dos à dos deux types de postures managériales, on n’aide pas plus ses collaborateurs réagissant émotionnellement à leurs émotions qu’en les niant. Le management des émotions se situe dans ce juste équilibre entre la connaissance de soi, la connaissance de l’autre, la compréhension des rôles de chacun et une communication empathique, c’est-à-dire centrée sur la personne. En un mot le management des émotions fait à la fois partie intégrante du management des hommes, mais peut aussi devenir un chemin extraordinaire de découverte de l’Homme. L’ère des émotions invite donc à une aventure managériale riche et passionnante…
Car enfin, dans certains moments cruciaux ou exceptionnels, n’est-on pas impressionné par ces managers capables de faire circuler ou de partager leur émotion et l’émotion collective ? Et quoi de plus puissant que les émotions pour passer un cap difficile, une épreuve réputée insurmontable, fédérer des personnalités que tout oppose ? Mais à ce niveau-là le manager sortira de la technique pour déployer tout son art, voire son génie. Ouvrant ainsi une voie qui lui est propre, une voie que personne ne pourra explorer à sa place, une voie qui révèle tous les talents de sa personne. Qu’on aime ou pas le foot ou Pascal Dupraz – l’entraîneur du FC Toulouse qu’il a sauvé de la relégation en 2016 -, cette petite vidéo, devenue virale, illustre assez bien la conclusion de ce propos :
No comment yet, add your voice below!